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Si les feuilles meurent...
4 mars 2009

- DES BRIQUES ROUGES SANG AU FOND DU FLEUVE -

Et qu’est-ce que tu fais des types qui mangent des briques et se noient dans le fleuve ?

Et pourquoi tu ne dis rien, pourquoi personne, jamais, ne dit la vérité, réellement, dis moi pourquoi ? Tu ne sais pas hein ?

TU SOURIS ?

Et tu te sens bien ? Je veux dire, vraiment, s’il fallait que tu dise ce que ton être ressent tout au fond, dis moi, tu trouverai que tout tourne rond ? Tu trouves pas TOUT ça un peu dégueulasse ?

T’as pas quelque chose qui remue, qui hurle et qui griffe dans ton ventre, parfois, et qui soulève des questions assassines et sans réponses ? Vraiment ?

Et tu ne t’es jamais demandé comment et pourquoi, et ce qui fait qu’on est capable d’imaginer tout ça, et pourquoi certains avalent des briques rouges sang et s’en vont couler au fond du fleuve gluant ?

Tu te drogues ? Réponds ! Est-ce que tu te drogues ? Tu vois la vie en rose ? Alors comment fais tu, à quoi tu carbure, avec quoi tu t’éclates et qu’est-ce qui te fais survivre ?

Et tu préfères le sucré ou le salé ? 

Je suis fatigué, tu sais, je suis fatigué. Je n’ai pas dormis. Je ne dors plus. J’ai trop de temps à perdre. Je vis avec mon temps et je le perds. Je ne fais rien ? J’ai peur.

Je suis avec toi ici, et on sait tous les deux qu’on va crever un de ces quatre, d’une mort stupide et ridicule, que le royaume de Dieu c’est des conneries et que notre seul salut c’est de cramer au soleil, imbriqués les uns dans les autres, les yeux exorbités, avec une déferlante d’acide dans les veines et de la morphine pour tous.

Pourquoi on ne part pas ? Hein ? Pourquoi on reste ici à se geler le cul, à vivre dans un monde qui n’existe plus et qui n’a aucun intérêt ? Et pourquoi t’allumes la télé, putain, POURQUOI EST-CE QUE TU VIENS D’ALLUMER CETTE FOUTUE TÉLÉ ?!

Tu m’écoutes ? Il faut qu’on s’en aille tu comprends, qu’on disparaisse, qu’on s’évapore.

Hein ? Oui bien sûr ! Mas oui bien sûr qu’il y a malgré tout des choses fabuleuses, des parfums enivrants, des corps superbes, des sourires ravageurs et des plaisirs atroces.

Bien sûr…

Mais qu’est-ce qu’on en fait ? Qu’est-ce qu’on fait ?

J’aurais voulu vivre quelque chose tu vois, je ne sais pas, que quelque chose se passe et m’emporte, que… Que… Tu n’es pas fatigué ? Je n’en peux plus. J’ai sommeil. J’ai froid.

J’ai la sensation de ne pas exister. Je crois que rien ne sert à rien.

RIEN.

D’un côté c’est rassurent c’est sûr ; c’est ce que je pensais au début… Mais alors bon, finalement, c’est un peu triste non ?

Pif paf boum bim, un beau jour le corps dit merde, une voiture nous écrabouille, la mémoire s’effiloche, on chie du sang, on meurt, doucement, bêtement, on s’écrase le crâne en glissant sur une plaque de verglas… C’est… C’est horriblement pathétique non ?

Il faudrait aller là où le verglas n’existe pas, tu ne crois pas ?

Il faudrait se jeter tout entier dans un grand feu, oublier, se perdre, devenir serpent, rôtir au soleil et bouffer des musaraignes. Je… Donne moi une cigarette tu veux ?

Ouais ouais bien sur, y’a la musique, t’as raison, mais enfin, peut être qu’écouter la mer et le cri des autruches ça nous suffirait non ? Et puis t’as qu’à chanter et… Mouais… Non, c’est vrai je vais un peu loin, ok, oui, la musique, heureusement. On n’est pas encore tout à fait mort.

C’est que je me sens seul tu comprends ? Je me sens seul, j’ai froid et je suis fatigué. Vraiment, je suis fatigué de cette alternance d’humeur à la con, d’envie de rire et de mordre, de briser quelque chose et de disparaître.

Parfois on pleurerait la vie en regardant filtrer le soleil à travers les branches d’un jeune arbre et éclater sur une toile d’araignée pleine de rosée perlée et lumineuse et… et parfois on la détruirait cette toile, avec un mépris cynique et désabusé, avec la merde au fond de yeux et les nerfs hypertrophiés, et la colère, la peur et la bêtise. Putain !

Tu dors ?

Dis moi quelque chose. DIS MOI QUELQUE CHOSE ! N’importe quoi…

Hein ? Parle plus fort. Aies le courage de tes opinions. Je quoi ? Ah ah ! Je sui fou ?!

Bah peut être oui.

Ou ptêtre bien que je suis parfaitement lucide et que tu n’es qu’un petit con. Va savoir.

On a même sûrement raison tous les deux.

Arrête de tripoter cette télécommande bon sang ! Le nombre de chaînes ?! Non mais tu te fous de ma gueule ? Tu m’écoutes au moins ? Mouais… Mais j’en sais rien moi, je l’allumes jamais c’te saleté. Non, c’est ton grand père qui me l’a laissé.

Des chaînes… ça porte bien son nom. Il pourrait il y en avoir dix ou deux mille, ça te rendrait toujours aussi con.

Tu ne crèverais pas plus lentement.

C’est un paradis pour décervelés qu’ils te proposent tu sais. Il faut faire attention.

Ils t’offrent le luxe de t’abandonner complètement, de ne penser à rien, de t’abîmer dans la contemplation stupide d’images artificielles et meurtrières, ils t’offrent l’ablation immédiate de ton cortex, la mise aux enchères de ton cœur et, si tu ne fais pas attention, ils pourraient te proposer toutes tes viscères sur un plateau de fer blanc, arrosées d’eau de cologne bon marché, avec une date de péremption truquée et, tout ça, sans même que tu ne t’en rendes compte, affalé dans la mollesse, devant ta télé à la con.

T’en as qui avaient des choses à dire, à montrer, à offrir, des baisers, des peintures et des livres, des idées et des révolutions ou juste un mot, et puis… Et puis rien.

Ils sont morts, simplement, sans avoir vécu.

Chienneries.

On est vite absorbé par la bêtise, par la médiocrité, par la fainéantise et la facilité.

Faut faire bien attention.

C’est comme de se plonger dans une grande cuve en cuivre remplie d’huile tiède.

C’est dégueulasse, mais quand on y est, quand on s’est laissé couler à l’intérieur, tout est si facile, si doux, si trompeur, si simple, si… arrêté. Y’a plus rien à faire, plus rien à penser, à prévoir, à imaginer, à vivre, putain ; y’a plus rien à vivre mais c’est FACILE, c’est si tristement facile… Ça se faufile dans les veines et fait son œuvre. Doucement, par paliers, par petits bouts, sans qu’on se rende compte de quoi que se soit ; on est grignoté par l’immobilisme trompeur et la tranquillité sournoise, et puis, on meurt sans même le savoir.

C’est comme ça que beaucoup crèvent avant trente ans, sans cicatrices, sans questions, les cheveux bien peignés, le sourire éclatant, et le plan de carrière bien lancé.

Tu ne dis rien. T’as mal ? Tu t’en fous ?

Quoi ? La télé ? Non mais t’as que ce mot à la bouche ou quoi ?

Mais non ! Non non, ce n’est qu’un exemple, ça ne fait qu’illustrer le monde dans lequel tu vis, crées et entretiens. Ce monde où tu mourras de ne pas avoir essayer. Ce monde qui nie, qui ment et qui trompe.

Voilà ce qu’ils t’offrent, la peur, l’ennui, l’anti-pensée et l’immobilité absolue d’un cadavre d’escargot en plein désert.

Personne ne t’attends tu sais, personne n’en a rien à foutre.

Tu ne dis rien ? Non, bien sûr… Tu ne vois pas hein ? Tu ne veux pas. Tes yeux sont tristes et mornes, et tu t’en fous n’est-ce pas ? Ils t’ont déjà tout pris.

Tu sais je te dis tout ça mais c’est parce que je suis le premier à m’être fait avoir. Je suis paresseux, médiocre, peureux. Je ne suis personne et RIEN, RIEN NE BOUGE.

Avec tout ce qu’on peut faire, tout ce qu’on peut imaginer, tout le plaisir qu’on peut prendre et donner ; nous voilà réduits à se masturber devant des images, à acheter à crédit des maisons sans fenêtre et à vivre sous terre finalement, tremblants de peur devant les autres, fondus dans un canapé défoncé.

Pourquoi on se trahit, pourquoi on n’essaie pas, putain, pourquoi on se saborde et pourquoi on vit BORDEL, pourquoi toute cette merde, tout ce flanflan incroyable si c’est pour devenir une poule peureuse et docile ?!

Sans cerveau et sans mystère.

Pas de secret, pas de rêve, RIEN.

Moi je veux mourir avec tous les os brisés, le goût de toutes choses dans la peau, et le cerveau en corolle, les lèvres pleines et épanouies, l’odeur des femmes et le souvenir des choses, le soleil, les fruits et le miel.

Et puis, tu vois…

Hein ? Quoi ?

Ouais je sais, je vais pas tarder…

Je t’emmerdes c’est ça ?

Qu’est-ce que tu dis ?

La grève des transports ? Ah bon. Non je savais pas.

Bon… Va falloir que j’y aille alors…

Si seulement y’avait aussi la grève à l’usine…

Bah oui. Tu savais pas ? Oui, à l’usine de traitements des déchets.

Tu…

Passe le bonjour à ta tante.

Faites comme chez vous.

Et bonne journée !

 

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Commentaires
N
J'aime beaucoup la manière dont vous concluez ce texte, je trouve le passage où vous abordez la grève des transports assez percutant, est ce une manière d'établir un parallèle entre le quotidien du narrateur, situation bloquée "transports en grève" et sa situation psychologique, il a envie d'avancer mais sa peur, son flegme le retiennent, d'une certaine manière sa volonté est en grève?
M
j'ai bien aimé ce texte, "pour rien ?". D'autres l'ont lu, des questions se posent. Un forum est ouvert, ce serait sympa de venir y participer.
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