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Si les feuilles meurent...
2 avril 2008

- SUMMERTIME -

 

Ce fût le quatre décembre, vers dix-neuf heures que, suite à une rencontre impromptue, sa vie bascula. Les conditions de départ n’étaient pourtant pas, pour ainsi dire, privilégiées…

 

Cette rencontre eût lieu pendant qu’il était secoué par les écarts intempestifs d’une rame de métro, l’endroit qu’il détestait le plus au monde et à la période de l’année qu’il haïssait par-dessus tout, l’hiver.

Elle fût si inattendue qu’il était encore sous le choc. En l’espace de quelques secondes sa vie prit une tournure inhabituelle. Lui qui n’était que râles et plaintes, se transformait soudainement en quelqu’un d’autre. Un type plein d’une joie vibrante, presque douloureuse pour son cœur amaigrit. Une douce chaleur l’irradiait. Venue des tréfonds de son corps, elle s’installait tranquillement dans tout son être. Il sentait dans l’air, presque palpable, une substance enivrante, mielleuse qui l’emportait tout entier.

Sortant d’une mélancolie qu’il colportait depuis qu’il avait quitté le monde soyeux de l’enfance, il vit dans la vitre, son reflet qui souriait, tranquille et apaisé.

Emu aux larmes il ne savait pas trop quoi faire de ce sentiment nouveau.

S’il avait déjà ressentit autant d’émotions, ce dont il n’était plus sûr, il les avaient depuis longtemps enfouit sous une couche amère de problèmes propre à sa condition d’ouvrier célibataire, comme une mer de nuages accrochée au sol, si lourde et si épaisse qu’elle aurait voilé le soleil à jamais.

Et là, dans cette rame de métro, écrasé sous trente mètres de bitume, au plus profond des ténèbres, le soleil lui était enfin réapparut. Éclatant.

 

Ce jour là, Antoine comprit que la vie était faite pour lui autant que pour les autres. Ces autres qu’il voyait partout autour de lui, sans pouvoir les approcher. Ces autres qui semblaient jouir d’une existence paisible et aventureuse à la fois. Qui incarnaient ce qu’il rêvait d’être en secret. Des gens qui voyaient la paix des choses et qui souriaient autant, si ce n'est plus, qu'ils ne pleuraient.

Lorsqu’il entendit cette musique, crachée faiblement par les hauts parleurs du métro, il eût une révélation qui changerait le cours de son existence à jamais. Il eût envie de pleurer et de rire en même temps. Cette musique que personne n’avait eût la bonne idée de lui faire écouter le touchait jusqu’au fond de l’âme. Elle le rendait heureux.

 

Il n’avait suffit que d’une chanson, c’était tellement incroyable, ce n’était rien qu’une chanson mais il y a des choses qui ne s’explique pas. Il venait de rencontrer Sidney Bechet, il venait d’apprendre à vivre ; en seulement quelques minutes cette chanson, Summertime, lui montrait quelque chose qui lui avait échappé depuis longtemps. La musique d’un mort lui avait ravi l’esprit et offert quelque chose d’incroyablement précieux.

Il comprît que la joie pouvait l’habiter si il lui laisser une chance.

Si il savait ouvrir les bonnes portes.

En cet instant, tandis qu’au dehors la nature semblait prise d’une maladie incurable, il prît conscience qu’il avait, lui aussi, droit au bonheur…


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