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Si les feuilles meurent...
30 novembre 2007

La dernière pelletée - Première partie 2/3

Vers quinze heures je m'assois. J'ai de la merde qui dégouline partout sur moi. Bleue. Je pense au poisson. Il faut absolument que j'achète le bocal aujourd'hui. Quand je suis parti ce matin, il ne pouvait déjà presque plus bouger. Pauv' petit. Je devrais...

- Eh ! Simon !

- ...

- Oh, j'te parle ! me gueule Christophe, deux étages plus bas.

- Hein...

- On te paye pas pour rêvasser. Y'a du boulot.

- Ouais ouais.

Je ne comprends rien à la situation. Je pense encore au poisson.

Christophe continu :

- On n’a plus beaucoup de peinture. Descends de là, prends la camionnette et va en chercher au dépôt.

J'ai comme l'envie furieuse de l'envoyer chier quand tout à coup je me réveille. La camionnette. Mais bien sûr ! Je vais en profiter pour aller acheter ce maudit bocal. Je louvoie.

- Ouais. Tout de suite...

Je ferme mon pot de peinture et descends rapidement de l’échafaudage. En passant près de la Poule, un étage plus bas, je lui glisse doucement à l’oreille :

- J'en aurai pour plus longtemps que prévu. Couvre moi, ok ? Invente quelque chose.

Il me regarde bizarrement ; je m’énerve :

- Le poisson. C'est pour le poisson !

Il détourne les yeux et pousse un soupir qui en dit long.

Arrivé en bas, Christophe me retient par le bras :

- Profites en pour me ramener deux, trois canettes.

Je voudrais le voir mort. Son corps flottant dans un océan bleu ciel dégueulasse.

- Ok, mais il me faut du fric, je dis, sûr de mon coup. 

- Ah ouais... C'est combien déjà une chope ?

- Je sais pas. Ça dépend de l'endroit. Deux euros cinquante, quelque chose comme ça...

- Tiens, v'là dix euros. Prends toi en une si tu veux.

- J'y vais.

- Et dépêche, hein !

Je ne me le fais pas dire deux fois, je monte dans la camionnette et démarre dans un long crissement de pneu.

 

Me voilà seul. Je roule vite. J'aime bien. Je finis quand même par ralentir. Ce n’est pas responsable. Y'a le poisson. S'il m'arrivait quelque chose, il se retrouverait comme orphelin.

 

*

 

Je vais dans une épicerie et achète huit canettes de Jupiler.

J'en ai pour neuf euros soixante...

Christophe demande toujours à quelque employé d'aller lui acheter ses canettes. J'imagine que chez lui, c'est sa femme qui s'en occupe. Il n'a aucune idée du prix que ça coûte. Et pour mon plus grand bonheur, il me demande souvent d'aller lui en acheter. Je n’aime pas l’idée d’être son larbin mais je fais pas mal d'économie grâce à ça.

À un euros vingt la canette, je lui en ramène trois et peux m'en prendre cinq. Payées par le patron. Quel con ce type !

 

*

 

Je m'arrête sur le bas-côté. J'ouvre une bière et me roule une clope. Lorsque je recrache la fumée, je souris. C'est con comme fumer tranquillement une cigarette en buvant de la bière, peut être pour moi un moment royal. Merci Christophe. Je vide la bière en quelques gorgées et en ouvre une autre.

Une autre.

Une autre.

Et puis je pense à regarder l'heure et…

Putain, ça fait plus d'une heure et demie que je suis parti. Et je n'ai pas encore été chercher la peinture. Je suis bourré. Merde.

J'ouvre une canette et démarre en trombe. Je vais me faire tuer.

 

*

 

Quand j'arrive au chantier, les gars sont en train de ranger le matériel.

Je croise la Poule qui me prévient au passage : « Fais gaffe, ça va chauffer... »

Je plaque un sourire penaud sur mon visage et avance d'un pas nonchalant vers Christophe. Je lui tends le sachet qui contient ses canettes. Il ne les prend pas. Me fixe. S’enflamme :

- Putain, qu'est-ce t'as foutu? Ça fait plus de deux heure que t'es parti ! »

- J'ai eu un souci sur le chemin.

- Ah ouais ?

Je tente le tout pour le tout. Raconte n'importe quoi :

- Ouais, y'avait un accident. Un camion. La route était bloquée….

- Te fous pas de moi ! Tu pues la bière.

Merde. Merde. Merde. Quel con je fais.

- Ouais. J'en ai bu une. Comme tu m'avais proposé...

- Je te compte pas tes heures de cet après midi, lâche-t-il, comme si ça lui faisait plaisir.

Je m’étrangle :

- Quoi ?

- T'as très bien entendu. Faut pas me prendre pour un con.

- Mais, je...

- Ferme la ! Si tu veux pas que je te vire tout de suite, tu présentes tes excuses et tu te casses.

- Ouais bon, désolé. Ça va ?

- Demain t'as intérêt à être à l'heure.

- C'est ça. 

Il me tourne le dos et s'éloigne. Je lui fais un doigt.

Et merde, une après midi en moins. J'avais vraiment pas besoin de ça.

Je devrais aller lui titiller la pitié. Récupérer le coup.

Mais non. Eh ! Pas du tout. Qu'il aille se faire foutre. Je suis trop fier. Et puis je crois qu'il ne voudrait pas et j'aurais peur de lui faire cracher quelques dents. Ou pire.

Je ne suis pas quelqu'un de violent. J'ai les nerfs.

 

*

 

Je crois qu'il faudra bien que je finisse par tuer quelqu'un, un jour. À force de réprimer l'envie, y a bien un moment où elle va exploser. La branche finit par craquer. C'est dans l'ordre des choses. Comme une sorte de fatalité...

 

*

 

Je m'éloigne du chantier en traînant des pieds. Un peu abattu.

J'attends à l'arrêt de bus. Il n'y a personne. C'est triste.

Je ne sais pas trop quoi faire. J'ai faim. J'ai soif. Je voudrais qu'il m'arrive quelque chose. N'importe quoi. Un accident, un drame, un bout de bonheur. Une présence, une rencontre.

Une fille qui traverserait la rue et me prendrait dans ses bras maigrichons. Me bercerait. Me dirait des choses agréables. Humaines. Qui me ferait l'amour. Doucement. Comme du velours. Nous prendrions soin du poisson. Ensemble.

Fini le statut de père célibataire.

Me voilà en ménage.

 

Je n'entends plus rien sinon l'histoire que je me raconte.

Le fracas du bus me ramène sur terre et j'ai à peine le temps de me rendre compte de sa présence qu'il est déjà loin.

Quel enfoiré ! J'étais là ! J'attendais à l’arrêt ! Je... Merde !

Je me rassois sur le banc. Roule une cigarette. De la fumée me sort de la bouche pendant cinq minutes.

Je me lève. M’éloigne.

Rentre dans une épicerie.

Achète du whisky.

Ressors.

Marche.

 

*

 

Le chantier est déjà sombre quand j'escalade le premier palier de l'échafaudage. Je monte lentement. Je halète. Il y a six étages.

Arrivé en haut je me laisse tomber lourdement. À bout de souffle. J'ai les jambes qui grelottent. On dirait qu'elle sont folles tellement elles s'agitent.

Je sors la bouteille de whisky et après quelques gorgées, ça va mieux. J'ai comme une puissance qui s'installe là où j'ai mal.

Je me relève et admire la vue. Enfin admire...

Je regarde.

J'aime bien voir la ville de haut. J'ai une impression de sécurité. Je suis seul. Rien, ni personne ne peut m'atteindre. Je suis intouchable. Même le vent m'évite.

Pour le coup, ici, la vue est vraiment laide. On est dans le nord-est de la ville. D'un côté il y a des cités ouvrières. La moitié en ruine. De l'autre, des chemins de fer, des entrepôts, un vague canal souillé qui coule péniblement.

Ici, même en plein soleil, on a une impression d'obscurité. Ça me fait mal de me dire qu'il fût un temps où il y avait sûrement une forêt ou au moins un bois. Mais des types se sont dit que c'était un peu trop beau. Ça risquait de rendre les gens heureux. Alors ils ont fait ce qu'il y avait à faire. Ils ont craché à la gueule du bonheur et vas-y que je te bétonne ça, et vas-y que je te mange les arbres, l'herbe et tout le reste aussi.

Écrase-monde.

 

*

 

J'ai descendu les trois quarts de la bouteille. Je titube. J'ai l'impression d'être le poisson. Tout pataud. Je manque de me vautrer lorsque j'essaie de descendre à l'étage inférieur. Je m'enfonce dans les profondeurs. Au troisième étage, je bute sur un seau de peinture et m'étale par terre. Sous le choc, le pot s'est ouvert et y'a des bouts de ciel qui dégoulinent partout. Je trempe une main dans la peinture et m'en barbouille le visage puis je prends le pot et le balance contre le mur. C'est beau. On devrait peindre les façades comme ça. En faisant d'énormes tâches. Je me couche dans la peinture puis imprime ma silhouette sur le mur. J'appuie tellement fort que je m'égratigne le front. Y'a un peu de rouge qui dégouline. Je frotte ma tête et c'est magique parce que maintenant c'est violet et je trace des grands cercles et je ne peux pas m'arrêter; je suis pris de frénésie. Je dois être sacrément bourré parce que y'a vraiment beaucoup de rouge maintenant. Et je n'ai pas mal. J'écris avec mes doigts : Christophe m'a tué. Puis j'éclate de rire. Un rire dément. Un rire alcoolique. Presque une plainte. Un exutoire.

Tout à coup, j'ai la nausée et je sens venir le goût du vomi, je tombe à genoux et, dans une gerbe immense, je me répands par terre.

J'ai froid maintenant. Je me mets en boule. Ferme les yeux.

Silence.

 

*

 

Quand je me réveille, TOUT est bleu. Pendant quelques secondes, je ne comprends pas où je suis, ni pourquoi je suis bleu, moi aussi. Et rouge par endroits. Je ne me souviens de rien. J'ai mal au front. Mais bordel, j'ai le front qui brûle. Je me retourne et j'ai la tête pendue à quinze mètres de haut. Je retiens un cri.

Alors la mémoire me revient peu à peu. Par bribes. Incomplète.

L'échafaudage. Le bus. La fille. Le whisky.

Mais la peinture, ça je ne comprends pas. Ni mon front d'ailleurs.

Je me redresse et observe les lieux. Je suis bien sur l'échafaudage. Le sol est couvert de peinture bleue. Le mur aussi. Avec des endroits plus sombres. Violets. Parfois rouges. Comme du sang... Je touche mon front et j'ai mal et je regarde ma main. Rouge. Je frissonne. Quand je vois écrit Christophe m'a tué , je ne souris pas un seul instant.

Je suis encore saoul et j'ai peur. 

Mais qu'est-ce que j'ai bien pu foutre !

 

*

 

Il fait presque jour. Je regarde au loin. C'est moche.

Y'a bien une petite colline que j'avais pas vu cette nuit.

Mignonne. Qui fait un peu mal au coeur, entourée comme elle est.

C'est quand même plus joli à l'aube.

Merde ! L'aube…

Il faut que je prenne le bus, que je rentre chez moi, que... Merde… Merde ! LE POISSON ! LE BOCAL ! J'ai complètement oublié. J'ai moins de deux heures devant moi pour m'en occuper avant de devoir aller au boulot...

Et qu'est-ce que je vais dire tout à l'heure, quand les autres vont voir ça ? Avec ma gueule en plus. Et faut que j'arrive à faire partir cette souillure bleue. Je ferais mieux de ne pas y aller...

Mais Christophe me tuera. Il me foutrait sûrement à la porte. Depuis le temps qu'il doit attendre ça, il ne se gênerait pas.

Enfin, si je vais bosser il risque de découvrir que c'est moi qui ai tout salopé, et là, je vais aussi avoir de gros problèmes.

MERDE ! MERDE ! MERDE ! MERDE !

Je suis une merde.

Je descends rapidement de l'échafaudage et cours vers l'arrêt de bus.

Je suis bleu.

 

*

 

Il y a un couple de petits vieux, tout tremblants, l'oeil brumeux, la peur au ventre.

Un type, la quarantaine, moustache, avec un petit chien ridicule.

Une femme avec des lunettes de soleil qui lui mangent le visage, et un tricot, vert, posé sur ses genoux.

Tous me regardent.

Moi, je regarde par terre. J’ai vu mon reflet dans la vitre de l'arrêt de bus.

Je me suis fait un peu peur...

Quand je relève la tête, je peux choper au vol leurs regards qui s'enfuient par groupe de deux.

Le bus arrive.

Je laisse monter les gens et tandis qu’arrive mon tour, la porte se referme sur moi. Je m'introduis de justesse et relève la tête.

Le chauffeur me regarde avec dégoût. Il crache de gros postillons quand il me dit d'un air mauvais :

- Je vous prends pas dans mon bus.

- Pardon ?

- Sortez du bus. S'il vous plaît, monsieur.

- Je... Euh. J'ai un ticket.

- J’veux pas savoir, vous sortez de mon bus. Maintenant !

- Mais foutez moi la paix. J'AI UN TICKET !

Il a les yeux qui cherchent et la bouche qui transpire. Il s’excite :

- Bon, t'arrête de faire le mariole et tu vires ta sale gueule de mon bus !

Je suis tellement surpris que je ne sais pas quoi dire.

Je m’énerve :

- Non mais ça va là ! Je paye, je prends le bus. Faites pas chier, merde !

Le type me regarde quelques secondes puis tout son visage se transforme en masque de haine. Il hurle, ça dégouline :

- Tu m'parles pas comme ça ! Tu m'parles pas comme ça ! Tu m'parles correctement, ok ! Si tu cherches les problème je vais te servir moi ! Les pauv' types dans ton genre, moi j'les bouffe.

- Ça va, ça va.

- Non ça va pas ! J'appelle les flics moi.

Une vieille dame assise à l'avant du bus, intervient.

- Cher Monsieur, s'il vous plaît. Ne vous énervez pas. Le jeune homme a son ticket, alors vous...

Il l’interrompt :

­- Vous, j'vous ai rien demandé. Restez tranquille. Et que je vous entende plus sinon j'vous fais descendre aussi.

J'en reste sans voix. Personne ne bouge dans le bus, ne serait-ce qu'un orteil. Ce type est fou.

Je lui lance :

- Vous êtes complètement con !

J'entends la petite vieille qui ricane. Je la regarde. Elle me sourit. Acquiesce. L'autre continue à brailler. Il lance un appel radio pour appeler ses potes, les contrôleurs gorilles. S'ils sont dans le coin, ça risque de craindre. Vraiment. Je pourrais y perdre quelques rangées de dents.

Je me rue sur le bouton d'ouverture des portes mais il m'attrape le bras et le tord et c'est à ce moment là que la vieille apparaît à côté de nous et qu’elle lui donne un grand coup de sac à main et je sais pas ce qu'il y a dedans mais ça fait un bruit sourd, la tête du type tombe en arrière et il n'y a plus de force dans son bras. De la bave rose lui sort par les narines, en petites bulles nacrées. Je regarde la vieille. Elle me sourit. Doucement. Une vieille fée ridée et un peu sale. J'appuie sur le bouton et les portes s'ouvrent dans un chuintement sinistre. Je descends. La vieille me suit.

Dans le bus, un homme s'est levé et semble pousser des cris en nous désignant. Derrière lui, une femme prend un téléphone portable dans son sac à main. D'autres gens sont debout. Ils se pressent autour du chauffeur. La femme tape un numéro. Colle le téléphone contre son oreille. Quand elle se met à parler d'un air affolé, nous sommes déjà loin.

 

*

 

Sans m'en rendre compte, je me suis mis à courir. Je traîne la vieille par le bras. Elle en bave, ses petites jambes fatiguées ont du mal à suivre. Je ralentis. Et puis y’a son sac ; il a l'air vraiment lourd. Je propose de le lui porter.

Elle hoche la tête et sourit en me le tendant.

Bon Dieu qu'il est lourd !

Je lui demande :

- Mais, qu'est-ce que vous avez là dedans ? Des cailloux ou quoi ?

- Non.

- ...

- C'est un pavé.

- D'accord... Hum... Ne vous en faîtes pas. Je ne vais pas vous demander pourquoi vous vous baladez avec un pavé dans votre sac à main. À chacun ses petites manies, hein ?

- Mais enfin jeune homme. Ça n'a rien d'extraordinaire. C'est pour me défendre. Pour les voyous.

- Ah bon... D'accord. En tout cas ça marche bien. Vous avez vu ? Il ne mouftait plus ce con.

Elle ne dit rien. Regarde droit devant elle. Comme si elle voyait des choses invisibles.

Je reprends :

- En tout cas, merci. Sans vous j'étais vraiment dans la merde.

Sans me regarder, elle lâche dans un souffle :

- Il est mort.

Je m'arrête net. Non mais qu'est-ce qu'elle raconte ? Elle est taré ou quoi ?

- Mais non. Vous l’avez assommé c'est tout.

- Non, il était mort. Il avait l'air tellement mort.

- Bah, de toutes façons, on ne peut pas savoir. Alors ça sert à rien d'y penser, dis-je, nonchalamment, en me convaincant que c'est impossible qu’il soit bel et bien mort.

Elle ne répond pas. Semble perdue dans ses pensées.

Je commence à être crevé. Je ne sais pas où on est. Et puis j'ai terriblement mal au front et au crâne ; et au fond aussi. Tout au fond de moi.

Une grosse plaie ambulante.

Soudain, elle s'anime. Sourit. Mi paniquée, mi rassurée.

- On est presque chez moi, dit-elle.

- Ah bon... euh... Savez-vous où je peux prendre le bus pour aller dans le centre ?

- Ne soyez pas idiot. J'habite à deux pas d'ici. Vous boirez bien un petit remontant ? Je sais qu’il est un peu tôt, mais on l’a bien mérité non ? Un petit grog, ça nous remettra les idées en place. Et puis si j'étais vous, je me nettoierais quand même un peu. Enfin, je ne sais pas si c'est fait exprès... Tout ce bleu, je veux dire. Hi hi. Rassurez vous, je ne vais pas vous demander pourquoi vous êtes maculé de peinture. Et de sang.

Elle me regarde avec malice. Je ne sais plus très bien où j'en suis. Je ne sais pas vraiment quoi faire. Je suis crevé. À bout. Elle me prend le bras. Je me laisse guider. Je perds pied avec la réalité.

Une porte s'ouvre. Je monte des escaliers. Je bois un immense bol de grog. Corsé le grog. Je m'assois dans un fauteuil. J'entends vaguement des bruits autour de moi.

J'ai du noir partout dans les yeux.

Du noir.

Partout.

 

*

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